PIHERN N°29 Notes Toponymiques et Lexicographiques par Yann Mikael
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PIHERN N°29 Notes Toponymiques et Lexicographiques par Yann Mikael
Notes Toponymiques et Lexicographiques
Je voudrais revenir sur la signification de certains toponymes étudiés précédemment, à la vue de nouvelles informations.
Guéméné : de deux mots bretons « gwen » + « menez », d’après « WinMonid » au Cartulaire de Redon, traduit en latin par « Candice Mons » (blanche montagne). Tout le monde est à peu près d’accord sur cette traduction, mais l’explication « blanc » par la couleur des rochers de quartz des coteaux de Lizien est un peu simpliste, d’autant plus qu’ils devaient être cachés par la végétation. Le sens de « gwen = sacré » est beaucoup plus plausible. Dans la religion druidique, et dans bien d’autres cultes avant le christianisme les hauteurs étaient souvent considérées comme sacrées. Dans la religion mosaïque, pensez au mont Horeb, au mont Sinaï, à la montagne de Sion, au mont Garizim où était le temple des Samaritains. Avec l’arrivée du christianisme beaucoup de ces hauteurs on été christianisées, pensez au Mont St Michel en Normandie, à la Butte Montmartre et à la Montagne Ste Geneviève à Paris ; en Bretagne il y a le Mont St Michel de Braspartz avec une chapelle à son sommet, pareil pour le Menez-Hom. Dans le Morbihan il y a la colline sacrée du Manéguen dans la commune de Guénin, avec deux chapelles à son sommet : la chapelle St Michel et N.D. du Manéguen. « Mane-Guen » est la forme en breton vannetais pour « Menez-Guen », suivant l’écriture du moyen breton, autrement dit la forme inversée de « Gwen-Menez », d’après la syntaxe du vieux breton où on plaçait l’adjectif avant le nom, mais la signification est la même. « Gwen-Menez » est seulement plus ancien que « Menez-Gwen ».
Le nombre de ces « montagnes sacrées » que nous révèle la toponymie bretonne est assez important. Avec la forme vannetaise « Manéguen », outre celui de Guénin, nous avons « Manéguen » en la Trinité-Surzur, « Manéguen » en la commune du Bono (56), « Manéguen » en Erdeven (56), « Manéguen » en Melrand (56), « Manéguen » en Plouhinec (56). Avec la graphie « Menez-Guen » nous trouvons : « Menez-Guen » en Quimper (29), « Menez-Guen » en Brennilis (29), « Menez-Guen » en Mellionnec (29), « Menez-Guen » en Plozevet (29), « Menez-Guen » en Pleyben (29), « Coat Menez-Guen » en Melgven (29), et en ce dernier lieu-dit il y a « Ty Korriganet » (maison des korrigans), une allée couverte, qui fait penser bien sur à un site sacré du néolithique. Le plus curieux c’est cette colline volcanique de 845m de hauteur, au fond de l’Océan Atlantique, à l’Ouest des Açores, sur la ligne de séparation des plaques tectoniques, et que l’on a nommé « Menez Gwen ».
Guémé : « Guémé » est un hameau de Guéméné-Penfao, à gauche de la route qui mène à Blain, et comme il y a aussi le « Bas-Guémé » à droite de la route, cela indique que « Guémé » proprement dit, se trouve sur une hauteur. A cause de cette hauteur, faut-il voir là aussi « gwen = sacré », possible. L’autre mot pourrait être « maez » (campagne, champ ouvert, open field en anglais). La prononciation mitaw « Ghé-mëy » pourrait renforcer cette idée de « mé = maez ». Ainsi, d’un possible ancien « gwen-maez » on se retrouve dans le même cas d’espèce que « gwen-menez = menez-gwen » car « gwen-maez » inversé cela donne « maez-gwen » qui en moyen-breton s’écrivait « Mesguen » et c’est le nom notamment d’un village en Damgan (56) et d’un autre en Ploudaniel (29) ; il devait aussi y avoir un manoir de ce nom en Plouescat (29) car il y a, ou il y avait, une famille noble « de Mesguen ». Par ailleurs « Mesguen » est un nom de famille courant dans le Léon, porté notamment par la Société des Transports Mesguen de St Pol de Léon. Notons également le lieu-dit « Carguemetz » en Plessé, avec « Car » (kêr) placé devant, donc c’est un possible « Kêr-Gwen-Maez ».
Escoublac : ce nom a été un peu éclipsé par le nom de « La Baule », mais le nom de la commune reste quant même « La Baule Escoublac ». Plusieurs étymologies ont été avancées pour « Escoublac » dont : breton eskob-lec'h (lieu de l'évêque) ou latin Escobi-acus (domaine d'Escobius, notable local du Haut Empire romain). Dans le « Dictionnaire du vieux-breton22 » de Léon Fleuriot & Claude Evans, on trouve le mot « scubl » qui en adjectif signifiait « rapace », « glouton » et en substantif « milan » (oiseau rapace). En breton actuel « scubl » a donné « skoul » (nom du milan), et par métathèse « sklofer » (glouton, morfale) et « skloufoni » (ambition). Par ailleurs ce Dictionnaire signale que près de Sarzeau (56) et d’Escoublac (44) existaient les anciens villages de « Couet scouble, Couet er scouble, Couet er scoufle », (Archives de Loire Atlantique, B 2233, fo. 238b, 266b), dont la traduction est « bois du milan ». Ainsi la signification d’Escoublac apparaît clairement : « scoubl » (milan) + « ac » (suffixe qualifiant), autrement dit « un lieu où il y a beaucoup de milans ». En Lusanger il y a aussi le village de l’Ecoublay, qui doit avoir la même signification.
Nouasse : La Nouasse est un hameau de Guéméné-Penfao, proche du Port-Jarnier. Le Dictionnaire du vieux-breton signale le mot « nouass » avec le sens d’écoulement. Ce doit être un mot parent de « dinaou » (pente, descente), « noë, noue, nouette » (prairie basse, humide) et de « tnou », « tenou » (vallée).
Rousch ou rouch : nf ; on dit « de la rousch » ; ce serait une plante marécageuse, le schoenus mariscus selon Louis Bizeul, en français « choin marisque », mais il faut être spécialiste en botanique pour s’y retrouver, car certains la confondent avec la « hésch » et la « hésch » est confondu par d’autres avec la « ghench » (gainche ?), graminée qui pousse plutôt dans les sous-bois et qu’on ramassait à l’automne pour servir de litière aux animaux. Dans le Dictionnaire du vieux-breton on trouve le mot « rusk » (sorte d’ajonc… ou de jonc) ; c’est peut-être ce mot qui subsiste en mitaw sous la forme « rousch », terme générique qui désignerait aussi bien cette sorte de graminée qui pousse dans les bois, qu’une plante de marais. En tout cas, les tiges longues et assez raides, étaient cueillies, mises en bottes, et servaient de chaume pour couvrir les habitations. Ceux qui faisaient ce travail de couverture étaient appelés des « roucheux » et ce nom est porté aussi comme nom de famille.
Yann MIKAEL
Je voudrais revenir sur la signification de certains toponymes étudiés précédemment, à la vue de nouvelles informations.
Guéméné : de deux mots bretons « gwen » + « menez », d’après « WinMonid » au Cartulaire de Redon, traduit en latin par « Candice Mons » (blanche montagne). Tout le monde est à peu près d’accord sur cette traduction, mais l’explication « blanc » par la couleur des rochers de quartz des coteaux de Lizien est un peu simpliste, d’autant plus qu’ils devaient être cachés par la végétation. Le sens de « gwen = sacré » est beaucoup plus plausible. Dans la religion druidique, et dans bien d’autres cultes avant le christianisme les hauteurs étaient souvent considérées comme sacrées. Dans la religion mosaïque, pensez au mont Horeb, au mont Sinaï, à la montagne de Sion, au mont Garizim où était le temple des Samaritains. Avec l’arrivée du christianisme beaucoup de ces hauteurs on été christianisées, pensez au Mont St Michel en Normandie, à la Butte Montmartre et à la Montagne Ste Geneviève à Paris ; en Bretagne il y a le Mont St Michel de Braspartz avec une chapelle à son sommet, pareil pour le Menez-Hom. Dans le Morbihan il y a la colline sacrée du Manéguen dans la commune de Guénin, avec deux chapelles à son sommet : la chapelle St Michel et N.D. du Manéguen. « Mane-Guen » est la forme en breton vannetais pour « Menez-Guen », suivant l’écriture du moyen breton, autrement dit la forme inversée de « Gwen-Menez », d’après la syntaxe du vieux breton où on plaçait l’adjectif avant le nom, mais la signification est la même. « Gwen-Menez » est seulement plus ancien que « Menez-Gwen ».
Le nombre de ces « montagnes sacrées » que nous révèle la toponymie bretonne est assez important. Avec la forme vannetaise « Manéguen », outre celui de Guénin, nous avons « Manéguen » en la Trinité-Surzur, « Manéguen » en la commune du Bono (56), « Manéguen » en Erdeven (56), « Manéguen » en Melrand (56), « Manéguen » en Plouhinec (56). Avec la graphie « Menez-Guen » nous trouvons : « Menez-Guen » en Quimper (29), « Menez-Guen » en Brennilis (29), « Menez-Guen » en Mellionnec (29), « Menez-Guen » en Plozevet (29), « Menez-Guen » en Pleyben (29), « Coat Menez-Guen » en Melgven (29), et en ce dernier lieu-dit il y a « Ty Korriganet » (maison des korrigans), une allée couverte, qui fait penser bien sur à un site sacré du néolithique. Le plus curieux c’est cette colline volcanique de 845m de hauteur, au fond de l’Océan Atlantique, à l’Ouest des Açores, sur la ligne de séparation des plaques tectoniques, et que l’on a nommé « Menez Gwen ».
Guémé : « Guémé » est un hameau de Guéméné-Penfao, à gauche de la route qui mène à Blain, et comme il y a aussi le « Bas-Guémé » à droite de la route, cela indique que « Guémé » proprement dit, se trouve sur une hauteur. A cause de cette hauteur, faut-il voir là aussi « gwen = sacré », possible. L’autre mot pourrait être « maez » (campagne, champ ouvert, open field en anglais). La prononciation mitaw « Ghé-mëy » pourrait renforcer cette idée de « mé = maez ». Ainsi, d’un possible ancien « gwen-maez » on se retrouve dans le même cas d’espèce que « gwen-menez = menez-gwen » car « gwen-maez » inversé cela donne « maez-gwen » qui en moyen-breton s’écrivait « Mesguen » et c’est le nom notamment d’un village en Damgan (56) et d’un autre en Ploudaniel (29) ; il devait aussi y avoir un manoir de ce nom en Plouescat (29) car il y a, ou il y avait, une famille noble « de Mesguen ». Par ailleurs « Mesguen » est un nom de famille courant dans le Léon, porté notamment par la Société des Transports Mesguen de St Pol de Léon. Notons également le lieu-dit « Carguemetz » en Plessé, avec « Car » (kêr) placé devant, donc c’est un possible « Kêr-Gwen-Maez ».
Escoublac : ce nom a été un peu éclipsé par le nom de « La Baule », mais le nom de la commune reste quant même « La Baule Escoublac ». Plusieurs étymologies ont été avancées pour « Escoublac » dont : breton eskob-lec'h (lieu de l'évêque) ou latin Escobi-acus (domaine d'Escobius, notable local du Haut Empire romain). Dans le « Dictionnaire du vieux-breton22 » de Léon Fleuriot & Claude Evans, on trouve le mot « scubl » qui en adjectif signifiait « rapace », « glouton » et en substantif « milan » (oiseau rapace). En breton actuel « scubl » a donné « skoul » (nom du milan), et par métathèse « sklofer » (glouton, morfale) et « skloufoni » (ambition). Par ailleurs ce Dictionnaire signale que près de Sarzeau (56) et d’Escoublac (44) existaient les anciens villages de « Couet scouble, Couet er scouble, Couet er scoufle », (Archives de Loire Atlantique, B 2233, fo. 238b, 266b), dont la traduction est « bois du milan ». Ainsi la signification d’Escoublac apparaît clairement : « scoubl » (milan) + « ac » (suffixe qualifiant), autrement dit « un lieu où il y a beaucoup de milans ». En Lusanger il y a aussi le village de l’Ecoublay, qui doit avoir la même signification.
Nouasse : La Nouasse est un hameau de Guéméné-Penfao, proche du Port-Jarnier. Le Dictionnaire du vieux-breton signale le mot « nouass » avec le sens d’écoulement. Ce doit être un mot parent de « dinaou » (pente, descente), « noë, noue, nouette » (prairie basse, humide) et de « tnou », « tenou » (vallée).
Rousch ou rouch : nf ; on dit « de la rousch » ; ce serait une plante marécageuse, le schoenus mariscus selon Louis Bizeul, en français « choin marisque », mais il faut être spécialiste en botanique pour s’y retrouver, car certains la confondent avec la « hésch » et la « hésch » est confondu par d’autres avec la « ghench » (gainche ?), graminée qui pousse plutôt dans les sous-bois et qu’on ramassait à l’automne pour servir de litière aux animaux. Dans le Dictionnaire du vieux-breton on trouve le mot « rusk » (sorte d’ajonc… ou de jonc) ; c’est peut-être ce mot qui subsiste en mitaw sous la forme « rousch », terme générique qui désignerait aussi bien cette sorte de graminée qui pousse dans les bois, qu’une plante de marais. En tout cas, les tiges longues et assez raides, étaient cueillies, mises en bottes, et servaient de chaume pour couvrir les habitations. Ceux qui faisaient ce travail de couverture étaient appelés des « roucheux » et ce nom est porté aussi comme nom de famille.
Yann MIKAEL
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